L'immaculée conception



L'amour a toujours le temps. 
Il a devant lui le front d'où semble venir la pensée, 
les yeux qu'il s'agira tout à l'heure de distraire de leur regard, 
la gorge dans laquelle se cailleront les sons, 
il a les seins et le fond de la bouche. 
Il a devant lui les plis inguinaux, 
les jambes qui couraient, 
la vapeur qui descend de leurs voiles, 
il a le plaisir de la neige qui tombe devant la fenêtre. 
La langue dessine les lèvres, 
joint les yeux, 
dresse les seins, creuse les aisselles, ouvre la fenêtre; 
la bouche attire la chair de toutes ses forces, 
elle sombre dans un baiser errant, 
elle remplace la bouche quelle a prise, 
c'est le mélange du jour et de la nuit. 
Les bras et les cuisses de l'homme sont liés aux bras et aux cuisses de la femme, 
le vent se mêle à la fumée, les mains prennent l'ensemble des désirs...

P. Eluard et A. Breton
Photo @ DENNIS MECHAM

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