Nouveau cahier
Le matin est mon donjon, il est mon château en Espagne, cet endroit qui n’appartient qu’à moi.
La vie s’éveille, la ville s’étire et je suis juste ni ici ni là. Les agitations de la nuit se sont tues et le jour dort encore.
Très tôt ce matin pour surprendre Barcelone dans sa robe de chambre échancrée, j’ai posé mon nouveau cahier sur une des tables du fond, commandé mon café con leche.
J’ai acheté un nouveau cahier, l’ancien était le parfait cahier d’écolier, couverture rigide orange, papier blanc très glacé ou l’encre prend du temps pour sécher ou les mots mal accrochés glissent vers le bord de page pour un suicide prémédité.
Cahier à spirale pour pouvoir arracher les pages raturées plus simplement, sans trace.
Cahier à lignes pour ne pas s’égarer, chaque page balafrée de sa ligne de marge rouge, pour n’y écrire rien de conséquent.
Mon nouveau cahier est rouge vif, la couverture souple comme un faux cuir, un élastique rouge pour le tenir fermé et un fil marque page pour ce souvenir.
Mon nouveau cahier à des pages moins blanches, plus rugueuses, les mots s’y enfoncent doucement pour y faire leurs nids.
Impossible d’arracher une page, il faudra que j’apprenne à vivre avec mes corrections.
La rue s’anime, le café se remplit, les mots comme un vol d’étourneaux cherchent leurs perchoirs et s’alignent en débandade pour l’atterrissage sur leur nouveau reposoir.
J’ai aussi changé la mine de mon stylo, elle était trop usée et trop sèche, comme une tête de clou sur de la tôle galvanisée.
Texte Pascal sauvaire
Commentaires
Enregistrer un commentaire